Pas de visa? Ne retourne pas chez toi!
C’est drôle comme la vie n’est pas toujours rose pour nous, tiers-mondistes! Quand on est au pays, l’on attend impatiemment, pour une grande majorité, le jour où l’on passera de l’autre coté de la rive, pour construire son avenir là bas, avant de rentrer en toute fierté chez soi.
Mais, pour passer de l’autre coté, c’est galère. Réveil à des heures bizarres le matin, des heures auxquelles on ne se réveille même pas pour prier le Seigneur des mondes… La fameuse file à l’ambassade. On ravale sa rage devant un personnel pas toujours accueillant, la fin justifiant les moyens (ou les non-moyens). Le fameux dépistage médical… Iwa qui sait, les tiers-mondistes portent toutes les maladies possibles et inimaginables… Une fois notre corps de l’autre coté de la rive, notre cœur demeure au pays. On y pense à chaque occasion. On soupire lorsque sur cette terre d’accueil, l’on est respecté, nos droits non bafoués, en pensant à l’injustice au pays… L’on se sent chanceux, lorsqu’on est traité plus ou moins équitablement dans ce nouveau pays, sans regard au nom de famille ou au statut du père, et l’on se demande quand notre pays atteindra ce niveau… L’on grince les dents lorsqu’on nous regarde comme des étrangers, comme des moins que rien, et on a déjà la nostalgie pour le pays, où l’on fonds dans le moule, avec nos cheveux noirs et notre peau brunâtre. Nos intestins font la grève lorsqu’on se retrouve devant des sandwichs froids et sans goût, à ravaler en plein travail sans aucun plaisir, et là ce n’est plus seul notre cœur qui est tourné vers le pays, mais le ventre aussi… On salive en pensant aux mets savoureux du pays, puis arrive le 22 mars, et là et on commence à se révolter… Ça s’appelle printemps mais ne me demandez pas pourquoi les vitres de la maison sont toujours couvertes de neige! On se dit ça y’est, il est temps de rentrer pour recharger les batteries… Et on commence à faire des plans de vacances, à s’imaginer sous le beau soleil du pays, avec ses amis et proches, autour d’un bon plat chaud, plein des saveurs du pays et attiédi par la chaleur des amis…
Sauf que… ! Il y’a un visa encore plus humiliant pour retourner aux pays! Un prix psychologique et financier pesant qui nous attend! Celui des cadeaux! Eh oui, on ne part pas au pays « riche » sans en ramener les « saveurs » aux compatriotes! Combien de personnes que je connais s’abstiennent du bonheur de rentrer au pays. Premier motif donné : "ça me coûte trop cher, tu sais les cadeaux… Tout le monde les attend avec impatience"! Le plus révoltant c’est qu'il s'agit souvent de femmes qui n’ont aucun revenu! Alors elles sont condamnées à rester pendant 3ans, voire plus, pour ne pas subir la honte de rentrer les mains vides! Au début je pensais qu’il s’agissait de cas isolés… Je pensais que le tenant du snack marocain chez qui je partais manger et qui ne pouvait rentrer car les cadeaux lui coûteraient dans les 3000$ était une exception! Sauf que, depuis, je n’entends plus que ce motif! On n’évoque même plus celui du billet d’avion!
Eh oui, qui aurait dit que le visa pour aller chez autrui coûtait parfois moins cher que celui de rentrer chez soi!